13-Des traces dans la neige
- anne
- 13 déc. 2024
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Dame Hulotte cligne des yeux, gênée par la lueur de la pleine lune. Elle finit par remarquer de nombreuses traces de pas sillonner la couche de neige fraîche. Elles se croisent, reviennent en arrière, se chevauchent, s’entortillent dans un méli-mélo désordonné. Intriguée, Dame Hulotte tourne sa tête à droite, à gauche, derrière son dos. Elle suit du regard les traces qui passent sous son arbre, le contournent, repartent pour disparaître sous les buissons enneigés.
Elle repense à cette lutine qu’elle a aidée il y a peu de temps et s’ébroue, fort agacée. Cette petite écervelée s’est encore perdue.
- Hou hou ! Hou hou ! Comme si je n’avais que cela à faire…
Prenant son envol, elle s’en va inspecter les environs, essayant de suivre le labyrinthe dessiné dans la poudre blanche. Elle a beau avoir une ouïe exceptionnelle, elle n’entend ni le bla-bla insupportable de cette bavarde, ni piétinements, ni grelottements. Elle va devoir demander à ses voisins s’ils n’ont rien aperçu. Mais à cette heure tardive, il n’y a que Maître Grand-Duc qu’elle peut interroger. Elle le trouve dans son trou, à somnoler. Il ouvre un grand œil orange dont l’éclat la transperce. Pas du tout impressionnée, elle lui fait part de ses craintes et soupçons.
- Houuu ! Houuu ! Vous vous tracassez pour rien. Dès que la tempête cesse et que le calme revient, tout ce qui ne dort pas sort se dégourdir les pattes.
- Hou hou ! Hou hou ! Pourtant il me semble reconnaître certaines de ces traces. Et si on ne retrouve pas très vite leur propriétaire, ce sera un eskimo glacé et non un lutin que je vais ramener au Père Noël.
À ces mots, Maître Grand-duc ouvre son autre œil. S’il s’agit du vieil homme, eh bien, il va de soi qu’il n’a d’autre choix que d’aider Dame Hulotte. Ouvrant ses larges ailes, il s’envole dans un bruissement feutré. À eux deux, ils parcourent la forêt, tous leurs sens en éveils. Ils finissent par trouver dans un creux à l’abri d’une souche, une grappe de lutins enroulés les uns sur les autres et profondément endormis.
- Hou hou ! Hou hou ! Me voilà garnie d’une belle brochette, dit Dame Hulotte fort contrariée.
- Houuu ! Houuu ! Votre instinct ne vous a pas trompée, constate Maître Grand-Duc.
- Hou hou ! Hou hou ! Réveillez-vous, bande de chenapans. Hou hou ! Hou hou ! Réveillez-vous !
Rien ! Pas un frémissement ! Aucun ne daigne bouger. C’est donc trainé par la culotte qu’ils sont sortis de là, un bain de neige les réveillant tout à fait.
- Gla gla gla gla ! M’enfin !
- Clac clac clac ! C’est quoi ces manières ?
- Brrr ! Brrr ! Qui nous maltraite de la sorte ?
- Hou hou ! Hou hou ! En voilà des imprudents. Vous n’imaginez pas que je vais tous vous sauver à chacune de vos sorties ? Vous feriez mieux de rester chez vous, à arpenter des chemins dégagés.
- M’enfin ! Nous sommes venus tout spécialement pour vous. Mélusine nous a tellement parlé de ce que vous aviez fait pour elle que nous souhaitions vous remercier.
- Oui ! Et en chemin, nous avons croisé quelques écureuils en vadrouille.
- Oui, oui ! Nous avons fait la conversation puis nous les avons aidés à retrouver leurs réserves de glands et de noisettes.
- Oui, oui, oui ! Après un petit casse-croûte, nous avons joué à cache-cache puis nous sommes tous allés faire un p’tit somme.
Devant tant de naïveté, il n’y a rien à dire. Dame Hulotte se tourne vers Maître Grand-duc et d’un seul mouvement les deux rapaces enserrent les insouciants pour les transporter là où ils auraient dû rester. Les déposant aux pieds d’un Père Noël fort mécontent, Dame Hulotte donne un coup de bec à chacun d’eux.
- Hou ! Hou ! Hou ! Hou ! Pour cette fois, je vous ai ramenés. Hou ! Hou ! Dites à vos camarades que je ne reçois aucune visite, et que les prochains à s’aventurer dans la forêt, je les laisse se débrouiller. Hou ! Hou ! Hou ! Hou ! On les retrouvera au printemps tellement gelés, que même le soleil ne pourra plus rien pour eux.
Sur ces paroles, elle suivit Maître Grand-Duc qui n’avait pas attendu pour s’en aller. En prime, les aventureux aventuriers se firent réprimander sévèrement pour leur manque de prudence. Mais pas sûr qu’ils aient appris la leçon, car rien ne motive plus un lutin que de faire ce qu’on lui a interdit.
Anne, le 13.12.2024
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