
CONTES
Extraits
La fille de l’été et le fils de l’hiver


Illustrations Emma Wicht
Depuis la nuit des temps, l’hiver et l’été se livraient une guerre sans merci. Leur puissance était immense. Le froid, la glace et la morsure du vent étaient les armes du maître de l’hiver. La chaleur, les sécheresses et le feu du soleil étaient celles de la dame de l’été.
Chacun leur tour, ils régnaient sur la terre. Et chacun leur tour, ils repoussaient les limites de leurs territoires. Comme en ces temps reculés où l’hiver avait étendu son pouvoir en recouvrant de glaciers la plus grande partie de la surface de la terre. Cette ère glaciaire dura des milliers d’années, puis l’été parvint à faire reculer son rival et le climat se radoucit.
Un équilibre précaire finit par s’installer. L’hiver possédait les pôles, l’été l’équateur. Mais insatisfaits, ils tentaient régulièrement de regagner du terrain.
Quand l’été survenait, l’hiver régressait et la vie renaissait de toute part, les arbres fleurissaient, les bourgeons se gorgeaient de sève, les plantes germaient.
Quand l’hiver était de retour pour chasser l’été, ses bras glacés faisaient mourir les fleurs, tomber les feuilles des arbres, geler les eaux. Alors la nature se mettait en attente, au repos.
Puis le cycle recommençait.
L’hiver et l’été avaient chacun un secret, caché dans un sanctuaire au cœur de leur royaume.
Au cours des millénaires, lorsqu’ils se trouvaient à l’apogée de leur puissance, le temps était venu de renouveler leur lignée. Le maître de l’hiver et la dame de l’été, confectionnaient un œuf unique fécondé au moyen de la magie. Ils y mettaient une grande partie de leur énergie et il n’y avait pas de seconde chance, il était donc vital que cette nouvelle génération soit préservée.
Les précieux étaient mis à l’abri de tout danger, aux confins du monde, sous la garde d’un dévoué protecteur.
***
De l’œuf de glace, un enfant à la peau pâle et aux yeux translucides était né.
Hibernus, le maître de l’hiver, nomma son descendant Boréalis. Le garçon grandissait au cœur de l’hiver, au milieu du continent austral, que l’on appelait Pôle Sud. Il vivait dans une vaste caverne d’où partaient des galeries qui s’enfonçaient dans les entrailles de la montagne en un véritable labyrinthe.
D’un frôlement, Boréalis gelait l’eau, provoquait le blizzard et faisait tomber de délicats flocons. Il avait changé le décor de sa caverne tellement de fois qu’il en avait perdu le compte. Les murs étaient recouverts de glace d’un blanc bleuté qui étincelait de mille feux. D’une pureté cristalline, toutes les surfaces irradiaient d’une pâle luminosité et inondaient la grotte. Des stalactites et des stalagmites hérissaient leurs pointes acérées, à la fois gardiennes menaçantes et somptueux décors.
Un mobilier glacé occupait une large niche. Un lit, des banquettes, une table et quelques étagères que Boréalis modifiait au gré de ses humeurs. Au dehors, des sculptures de neige et de glace se dressaient en une cité fantôme, occupée par des créatures aux formes étranges.
***
De l’œuf végétal, une enfant à la peau dorée et aux yeux d’ambre était née.
Estivia, la dame de l’été, nomma sa descendante Aurora. La fillette grandissait sur l’île de l’été, au milieu des eaux turquoise d’un océan tropical. L’immense arbre au tronc creux dans lequel elle vivait possédait en son centre un escalier qui descendait en colimaçon dans les profondeurs de l’île.
D’une caresse, Aurora provoquait la floraison des plantes, la naissance de nouvelles pousses et faisait éclore les bourgeons. Aurora avait fait croître toutes sortes de plantes, à tel point que la forêt luxuriante débordait littéralement sur les eaux. Sa mère l’avait pourtant mise en garde : même si l’île était vaste, la place allait manquer.
Extrait de "La fille de l'été et le fils de l'hiver", de Anne Maillard
Carnaval, amitié et confettis
Pétards, cacophonies et Rababou. Tout ce que détestait Pénélope. La période de carnaval la terrifiait. Sortir était un véritable défi. Les gamins du quartier lançaient des pétards sur son passage ou la pourchassaient avec la ferme intention de la noyer sous des montagnes de confettis au point qu’elle en trouvait jusque dans sa culotte. Chaque année, les rues de la Basse-ville étaient envahies par le tintamarre des Guggenmusiks alors que les fêtards grimés en affreux agrippaient ses cheveux et s’amusaient à la terroriser.
Le dernier vendredi avant la semaine de vacances, Pénélope profita de la compagnie des autres élèves pour se dépêcher de rentrer à la maison en toute sécurité. Malheureusement, trois garçons de la grande classe lui barrèrent le chemin à deux rues de chez elle.
-
Hé la gamine ! Où tu vas comme ça ?
Pénélope fit un pas de côté pour les éviter mais ils lui bloquèrent le passage.
-
Laissez-moi passer, dit-elle d’une petite voix.
-
Donnes-nous des confettis et des pétards et tu pourras passer.
-
Mais je n’en ai pas, répondit Pénélope au bord des larmes.
Le plus petit des trois, un nerveux qui mastiquait bruyamment sa chiclette, la bouscula sous les ricanements des deux autres.
-
Alors tu as sûrement un peu d’argent de poche, ça nous ira très bien.
Pénélope secoua la tête. Pourquoi étaient-ils si méchants ?
-
À trois contre un ! Vraiment, vous êtes extrêmement courageux ! s’exclama une voix moqueuse derrière elle.
Pénélope se retourna pour voir qui venait à son secours. Une fille d’une douzaine d’année aux cheveux bruns attachés en queue de cheval arriva à sa hauteur et dévisagea les garçons avec mépris.
-
Occupe-toi de tes affaires Léa, dit le plus costaud des trois qui s’appelait Antoine.
-
Oui, laisse-nous tranquille, dit Ernest, un long maigrichon. On te voit déjà assez en classe.
-
Je m’occupe de ce qui me plaît. Et je n’aime pas qu’on embête mon amie…
Léa regarda Pénélope qui répondit immédiatement à la question muette.
-
…Pénélope !
-
Vous allez laisser passer Pénélope et ne plus l’ennuyer.
-
Sinon quoi ? demanda Simon le troisième des garçons sur un ton de défi.
-
Sinon vous allez avoir affaire à moi et mes amis.
Les trois compères se lancèrent des regards perplexes.
-
Tes amis ? Tu n’as pas d’amis.
Léa les dévisagea avec un grand sourire.
-
C’est que vous ne me connaissez pas bien. À votre place, je partirais sans faire d’histoires. Allez vous amuser ailleurs au lieu de tourmenter les plus petits !
Le trio hésita avant de tourner les talons en ronchonnant.
Léa croisa les bras et hocha la tête avec satisfaction.
-
Et voilà ! Il suffit de demander !
-
Pénélope n’en croyait pas ses yeux et fixa sa sauveuse avec admiration.
-
Merci Léa.
-
Pas de quoi ! Ces trois idiots sont dans ma classe, ils ne me font pas peur. Ils sont tellement bêtes qu’ils m’ont crue.
Léa rit de sa bonne blague.
-
Et tu aurais fait quoi si ils ne t’avaient pas crue ? demanda Pénélope en tremblant.
-
J’aurais improvisé. Le truc, c’est de ne pas leur montrer qu’ils t’impressionnent. Je les connais, ils font les malins quand ils sont ensembles mais tous seuls, ils n’en mènent pas large. Et puis je prends des cours de judo, ajouta-t-elle avec un clin d’œil. Tu rentrais chez toi ? Je t’accompagne un bout de chemin si tu es d’accord.
-
Oui, je veux bien. J’habite tout près. Tu as envie de prendre le goûter avec moi ?
-
Avec plaisir. En fait, ma grand-mère habite juste à côté. Je viens souvent lui rendre visite.
-
C’est étrange, je ne t’ai jamais croisée.
-
Moi oui, mais tu marches en fixant le bout de tes pieds alors c’est normal que tu ne reconnaisses personne.
Pénélope rougit puis sourit de la remarque. Léa disait cela sans méchanceté et c’était vrai qu’elle ne regardait pas autour d’elle quand elle marchait dans la rue, perdue dans son monde imaginaire. Les deux fillettes rentrèrent en babillant. La timide Pénélope et la fougueuse Léa devinrent aussitôt les meilleures amies du monde.
Extrait de "Carnaval, amitié et confettis " de Anne Maillard
On a volé le petit Jésus

Illustration Nathanaël Rochat
Il était près de minuit et les personnages en carton-pâte de la crèche de Noël tenaient une conversation animée. Il y avait Marie et Joseph, dont la taille grandeur nature dépassait de deux têtes celle des rois mages également présents, ainsi que le bœuf et l’âne gris aux pelages mités.
En ce 23 décembre, l’ambiance était joyeuse et la crèche devant l’église avait vu défiler de nombreux visiteurs. C’est la raison pour laquelle Marie et Joseph ne s’aperçurent pas immédiatement de la disparition du Petit-Jésus.
-
Comment se fait-il que personne ne se soit rendu compte de rien ? s’énervait Joseph en essayant de calmer Marie, totalement affolée.
-
C’est un comble que vous nous rendiez responsable ! répliqua Melchior. Vous avez peut-être remarqué cette foule qui se bousculait toute la journée. On n’arrêtait pas de nous tirer la barbe et de tripoter nos turbans.
Tenant un rôle secondaire, les rois mages faisaient un bon tiers de moins que Joseph et Marie et ce désavantage de taille outrait le vénérable Melchior. Gaspar et Balthazar tentaient timidement de tempérer son humeur.
-
Demain soir, c’est la veillée de Noël et il y aura la messe de minuit, dit Joseph. Nous devons absolument le retrouver cette nuit. J’irai avec Marie.
Ils tombèrent d’accord et le groupe se sépara. Les personnages de carton-pâte partirent à la recherche de l’enfant Jésus, chacun dans une direction différente.
Marie et Joseph passèrent devant une confiserie dont la vitrine était occupée par un bonhomme de pain d’épice et sa maison recouverte de sucre glace. Ils tentèrent de lui parler mais il ne comprenait rien. Joseph haussa le ton jusqu’à s’époumoner, en vain. Le petit personnage secouait la tête pour signifier son incompréhension.
-
Décidément, il est sourd comme un pot, s’énerva Joseph.
-
C’est à cause de la vitre, il n’y peut rien, tempéra Marie. Laisse-moi faire, je vais essayer.
Face au bonhomme de pain d’épice, elle se mit à mimer. Les bras contre sa poitrine, elle berça tendrement un enfant invisible puis afficha une expression horrifiée en écartant les bras. Elle fit ensuite mine de chercher quelque chose autour d’elle. Les sourcils froncés et les mains appuyées sur la vitrine, le petit bonhomme suivait attentivement le moindre de ses gestes. Une fois qu’elle eut terminé sa mise en scène, Marie le désigna du doigt puis montra ses yeux et ensuite la rue.
Le personnage de pain d’épice ne semblait toujours pas saisir ce qu’ils lui voulaient. Soudain, il sauta en l’air et s’engouffra dans sa maison.
Perplexe, Joseph se tourna vers son épouse.
-
Il ne va pas nous être d’une grande aide, nous perdons notre temps. Allons-nous en ! grogna-t-il en s’éloignant.
-
Attends, il revint. Il a quelque chose dans la main.
Le bonhomme arriva chargé d’une minuscule figurine qui le représentait à l’identique. Il la brandit avec fierté
Dépitée, Marie secoua la tête tandis que Joseph se claquait une main sur le front. Elle fit un signe de remerciement au petit personnage et entraîna Joseph qui essayait de contenir sa contrariété.
De leur côté, les rois-mages questionnaient trois angelots surplombant la rue en face de l’église et qui les observaient de leurs hauteurs avec un air supérieur.
-
Cela ne nous concerne pas ! dit l’un d’entre eux. Nous sommes ici-bas pour…
-
Vous êtes comme nous, le coupa Melchior, des représentations de carton-pâte. Nous avons besoin du Petit-Jésus pour la veillée de Noël. Alors l’avez-vous vu oui ou non ?
-
Nous sommes en plastique, pas en carton-pâte, releva un second angelot avec dédain. Nous avons vu beaucoup de nourrissons aujourd’hui. Lequel est le vôtre, nous l’ignorons.
-
Des poupons roses, des bébés joufflus. De tous côtés, il en est passé !
-
Des braillards, des endormis. Des quantités ont défilés!
L’attitude condescendante de ces gamins ailés n’améliora pas l’humeur de Melchior tandis que Gaspar et Balthazar murmuraient nerveusement dans son dos.
-
Celui que nous recherchons était emmailloté d’un drap de lin blanc. Depuis là-haut vous avez bien dû voir quelque chose, tout de même !
Les chérubins répliquèrent avec aplomb.
-
N’était-il pas sous votre barbe ?
-
Et même sous votre nez !
-
Vous auriez dû voir quelque chose …
Devant le manque de soutien des angelots, Melchior vit rouge et il s’en alla à grands pas, ses deux compagnons sur ses talons.
-
Nous allons le retrouver, dit Gaspar, il n’a pas pu disparaître comme cela.
-
Le fait est qu’il a bel et bien disparu sous notre nez, répliqua Melchior en se retournant brusquement. Nous sommes responsables et devons tout faire pour le ramener au plus vite. Le temps nous est compté.
Penauds, les deux rois mages acquiescèrent et reprirent leur marche dans la rue éclairée par les illuminations de Noël.
Extrait de "On a volé le Petit Jésus " de Anne Maillard
Le soleil a rendez-vous avec la lune
Il y a fort longtemps, le soleil régnait en maître dans les cieux infinis. Son éclat inondait la terre et la mer où vivaient d’innombrables créatures. Là-haut, le soleil se sentait bien seul. Chaque jour, il suivait son parcours immuable dans un ciel vide, uniquement traversé par des nuages indifférents. Un jour, de frustration, le soleil projeta ses rayons si violemment sur le monde d’en-bas que les forêts s’embrasèrent et que l’eau des rivières s’évapora.
Le vent entendit les plaintes des créatures effrayées et les rapporta au soleil qui s’apprêtait à se coucher.
- Seigneur des cieux, tu dois contrôler tes colères sans quoi la terre deviendra stérile et les océans disparaîtront.
- Ma foi ! Je ne peux rien promettre. À force de voir vivre et se multiplier tous ces êtres, je réalise à quel point je suis seul. Moi, je n’ai personne à aimer, personne avec qui partager mes joies et mes peines. Le feu qui est en moi me consume.
Le vent ne sut que répondre.
Il reprit ses vagabondages en songeant aux paroles du soleil. Pas un instant le vent n’avait imaginé que l’astre du jour puisse éprouver de tels sentiments. Il était si impétueux, si flamboyant que rien ne semblait l’atteindre, ni pouvoir ternir son éclat. Le vent lui-même parcourait le monde en murmurant à qui voulait l’entendre les nouvelles voyageuses et jamais il ne ressentait la solitude. De plus, il était comblé par une multiple descendance qui faisait sa fierté, du doux zéphyr à la froide bise, du tumultueux mistral au brûlant sirocco.
Leur souffle était la respiration du monde.
Puis le vent eu une idée. Bien qu’elle n’ait jamais proféré de plainte, la lune, dame de la nuit et mère de toutes les ombres, était seule elle aussi. Sa douce lumière diluait la plus sombre des obscurités et elle était le phare bienveillant pour quiconque se perdait dans les ténèbres. Elle saurait apaiser le soleil de ses excès dévastateurs.
Le vent décida d’organiser un rendez-vous entre le soleil et la lune sans vraiment savoir comment s’y prendre pour qu’ils se rencontrent. En effet, à aucun moment leurs chemins ne se croisaient.
Il se rendit auprès de la lune qui s’étonna de sa demande.
- Pourquoi voudrais-je rencontrer cet astre dont je n’ai jamais entendu parler ? Ma vie me convient parfaitement. J’apprécie le calme et ma solitude me satisfait. Pourquoi changer ce qui est immuable ?
Le vent ne sut que répondre et s’en alla avec dépit.
Toutefois, la curiosité de la lune s’éveilla. Ainsi, elle n’était pas seule dans le vaste ciel !
Elle décida de voir par elle-même à quoi ressemblait l’astre du jour et attendit l’aube avec plus d’impatience qu’elle ne voulut l’admettre. Une douce lumière éclaira l’horizon. Elle gagna en intensité et finit par éblouir la lune au point qu’elle en devint toute pâle. Le soleil passa son chemin sans la remarquer.
À la nuit tombée, lorsque le vent vint la trouver, la lune lui fit part de sa déception.
- Mon ami ! Tes paroles m’ont intriguée et j’ai attendu le matin afin de rencontrer le soleil. Malheureusement, il irradie tellement qu’il masque tout sur son passage et il ne m’a pas vue. Je me demande comment il parvient à apercevoir quoi que ce soit avec un tel éclat.
Le vent réfléchit.
- Je vais lui parler et lui demander de modérer ses rayons le temps de faire ta connaissance.
Peu convaincue par ses paroles, la lune accepta tout de même de revenir le lendemain.
Le vent s’empressa de retrouver le soleil qui se trouvait de l’autre côté de la terre et lui parla de la mésaventure de la lune.
- Elle a franchi la nuit pour faire ta connaissance mais ton éclat était trop intense et tu ne l’as pas aperçue. Il serait aimable de ta part d’atténuer tes rayons afin que vous puissiez vous rencontrer.
Le soleil en fut outré.
- Comment oses-tu me demander cela ? Ignores-tu que la vie sur terre dépend de ma chaleur et de ma lumière ? Ce serait la mettre en péril. Je ne vais tout de même pas éteindre mon feu pour une inconnue. Et puis d’ailleurs, je n’ai jamais demandé à ce qu’elle vienne me rendre visite.
- Tu n’as pas à éteindre ton feu, simplement à diminuer ton rayonnement le temps de faire connaissance. Tu te plains d’être seul alors j’ai discuté avec la lune qui est dans la même situation que toi et elle a accepté de quitter sa pénombre protectrice. Tu as une chance unique de briser ta solitude. Pour cela tu vas devoir faire des efforts sans quoi elle ne reviendra plus.
Le soleil dût admettre que le vent n’avait pas tort. Et puis la curiosité le titillait. Qui était donc cet astre mystérieux qui vivait dans la nuit ?
- Je peux convoquer quelques nuages ou appeler la brume, proposa le vent. Leur présence estompera ta lumière, ainsi tu pourras voir la lune qui t’approchera en toute quiétude.
Le soleil se dit que c’était une bonne idée bien qu’il n’aima ni les nuages ni la brume : tout ce qui l’empêchait de briller et ternissait son éclat blessait son orgueil.
- Soit ! Organise donc cela. Mais attention ! Que cette entrevue soit brève, mon temps est précieux.
Le vent fût satisfait. En dépit de sa fierté démesurée, le soleil faisait enfin un compromis.
Extrait de "Le soleil a rendez-vous avec la lune " de Anne Maillard
Les puzzles magiques

Illustration Megan Hefti
Ce dimanche, Vanille et Victor rencontrèrent pour la première fois leur tante Violette, partie vivre dans un pays dont ils n’arrivaient pas à retenir le nom. La sœur de leur mère Viola venait leur rendre visite après des années sans nouvelles.
Vanille, d’une timidité maladive, était effrayée de tout et n’osait pas sortir, ce qui l’empêchait de se faire des amies. Pour ne rien arranger, Victor la chahutait souvent et la traitait de bébé. Il passait tout son temps libre sur son ordinateur ou sa console de jeux, criant et gesticulant contre des adversaires invisibles. Vanille aurait préféré l’éviter mais ce jour-là, maman tenait à ce qu’ils fassent honneur à leur tante et qu’ils se tiennent convenablement.
Tante Violette n’arriva pas les mains vides. Elle leur offrit à chacun une grande boîte mystérieuse qu’ils déballèrent avec curiosité. Ils découvrirent qu’il s’agissait de puzzles représentant chacun une créature mythologique. Ravie, Vanille admira la superbe licorne blanche qui broutait au milieu d’une verte prairie. Victor, quant à lui, regarda avec une grimace le dragon argent perché au sommet d’une montagne et qui ouvrait la gueule avec férocité. L’adolescent se trouvait trop vieux pour ce genre de passe-temps, il préférait ses jeux vidéo.
Violette, qui dégustait son thé en bavardant avec leur maman, leur fit un clin d’œil.
-
Ces puzzles sont magiques, dit-elle avec malice.
-
Cesse donc de leur dire des sottises, répliqua Viola d’un air agacé. Ils ne sont plus à un âge où l’on croit à ces choses-là.
-
Si j’étais vous, je me dépêcherais d’aller les assembler, les encouragea Violette. Une fois toutes les pièces en place, vous aurez une surprise étonnante.
Viola secoua la tête tandis que Vanille écarquillait les yeux avec perplexité. Victor eut un sourire moqueur. Ils remercièrent leur tante et Vanille se rendit dans sa chambre où elle vida la boîte sur le sol. Elle s’agenouilla et chercha les pièces du bord, plus faciles à repérer.
-
Elle est bizarre tante Violette, dit Victor qui l’avait suivie. Tu penses qu’elle croit à ce qu’elle raconte ou elle nous prend pour des idiots ?
Concentrée, Vanille ne répondit pas et il attrapa une poignée de pièces pour la faire réagir.
-
Eh ! Tu m’écoutes ?
-
Rends-les-moi…
-
Ou quoi ? Tu ne verras pas ce que ces puzzles ont de magique. Ne me dis pas que tu crois à ces bêtises ?
-
Non, mais j’aimerais terminer le mien alors rends-moi les pièces et va t’occuper du tien.
-
Sûrement pas. J’ai mieux à faire.
Sur ces mots, il les jeta avec mépris et quitta la chambre en y abandonnant sa boîte.
Vanille continua à rassembler patiemment les petits morceaux de carton. Elle finit par reconstituer le pourtour de l’image qui forma un cadre, puis s’attaqua à la licorne dont le pelage blanc était facile à reconnaître. Petit à petit, l’animal prenait forme. D’abord la corne, puis les pattes, le ventre et la croupe, la tête puis le dos. Ne manquait plus que le bout de la queue qu’elle chercha, sans succès. Vanille décida de continuer par la prairie, bien plus difficile car uniforme et monotone.
Sa mère vint la prévenir que tante Violette s’en allait. Dans le vestibule, Victor l’embrassait déjà. Quand ce fut le tour de Vanille, sa tante lui murmura quelque chose d’étrange à l’oreille.
-
Il ne doit manquer aucune pièce, sinon la magie n’opèrera pas. Surtout n’aie pas peur, tu ne risques rien. Et prenez en soin, le jour où vous n’en aurez plus besoin, je reviendrai les chercher.
Vanille acquiesça sans rien dire. C’est vrai qu’elle était bizarre sa tante, mais la fillette était curieuse de savoir ce qu’il allait se passer une fois le puzzle terminé. Elle ignora Victor qui ricanait dans son dos.
Sa tante partie, elle retourna à sa tâche. La nuit tombait quand elle eut presque achevé. Elle constata qu’il lui manquait une pièce. À quatre patte, Vanille inspecta chaque recoin de sa chambre, souleva le tapis, regarda sous son lit, en vain. Elle se rua chez son frère, persuadée qu’il l’avait gardée juste pour l’ennuyer.
-
Rends-moi la pièce que tu as volée !
Victor était en pleine partie, en ligne avec d’autres joueurs, et il l’ignora.
-
Rends-la-moi tout de suite !
-
Laisse-moi tranquille. Tu ne vois pas que suis occupé ?
-
Alors dis-moi où tu l’as mise.
-
Je ne l’ai pas. Je les ai toutes lancées tout à l’heure.
Comme il ne bougeait pas, elle entreprit de fouiller sa chambre mais ne trouva rien. Déçue, elle regagna la sienne et contempla sa belle licorne à qui il manquait le bout de la queue. Puis ses yeux se posèrent sur le dragon aux reflets d’argent.
La boîte vide à côté du tas de pièces, Vanille rassembla les éléments et peu à peu, la terrible créature prit forme. Malgré ses yeux fendus comme ceux d’un serpent, des cornes et des épines sur tout le corps, des pattes griffues, des ailes et une longue queue, il était superbe.
La dernière pièce. Enfin !
Pourtant elle hésita. Qu’allait-il se passer au moment où elle l’insérerait dans l’espace vide ? Elle soupira. Elle n’était plus un bébé qui croyait à la magie, ses craintes étaient irrationnelles et elle déposa la pièce restante.
Rien. Aucune surprise, pas de magie. Puis elle perçut quelque chose. Un infime mouvement. Et le dragon leva la tête pour la fixer de se yeux jaunes. Il battit vigoureusement des ailes, ploya sur ses pattes et s’envola. Hors du puzzle.
Vanille poussa un cri et se réfugia dans le couloir tandis que le dragon tournoyait dans la chambre. Elle ferma la porte derrière elle et courut chercher son frère.
-
Victor, viens voir ! C’est incroyable !
-
Tu es vraiment pénible, fiche le camp ! cria-t-il sans quitter son écran des yeux.
-
S’il te plaît Victor, il faut que tu viennes… J’ai peur, ajouta-t-elle d’une petite voix.
Surpris, l’adolescent la regarda et constata qu’elle ne plaisantait pas. Abandonnant sa partie à regret, il la suivit jusque devant sa porte. Vanille l’entrebâilla et jeta un coup d’œil rapide avant de la refermer en vitesse.
-
Regarde !
Victor l’ouvrit à son tour et ne vit d’abord rien de spécial. Quelque chose accrocha la lumière puis il découvrit avec stupéfaction un dragon argenté prendre son envol depuis l’armoire de sa sœur.
Extrait de "Les puzzles magiques " de Anne Maillard
Les boules de Noël
Il était une fois un maître verrier nommé Jacquin qui désespérait de transmettre son savoir à son fils unique, Célestin. Le garçon était si gauche et maladroit qu’il ne se passait pas une semaine sans qu’il ne provoque de catastrophe.
Pas plus tard que la veille, Célestin avait mal fermé la porte de l’atelier et le vent d’automne avait soufflé de la poussière et des feuilles mortes à l’intérieur. Furieux, Jacquin lui avait ordonné de tout nettoyer. Malheureux d’avoir encore déçu son père, Célestin balaya consciencieusement chaque recoin en prenant soin de ne rien briser. Une fois sa besogne terminée, il appuya le balai contre le mur mais lorsqu’il se retourna pour partir, il entendit un abominable raclement. Le garçon fit volte-face pour rattraper le balai. Trop tard ! Le manche entraina dans sa chute tous les verres posé sur l’étagère. Célestin ferma les yeux et se boucha les oreilles pour ne pas entendre le fracas.
Cette fois, c’en était trop !
Jacquin décida de confier Célestin à maître Marius, un confrère d’une grande rigueur jouissant d’une excellente réputation. Jacquin espérait qu’il parvienne à éduquer son fils pour qu’il soit un jour capable de reprendre son affaire car jusque-là, tout ce qu’il avait essayé de lui apprendre était un échec. La maladresse de Célestin était telle que la réputation de son atelier avait été mise à mal : on l’avait baptisé la verrerie de Briseverre.
Son épouse Hermine voyait cette décision d’un mauvais œil. Elle craignait que son garçon soit traité avec dureté. Indulgente à son manque d’habileté, elle l’avait toujours encouragé même si elle voyait bien que, malgré toute sa bonne volonté, ses mains ne lui obéissaient guère et que sa distraction lui jouait des tours.
-
Tu feras bien attention, recommanda-t-elle le matin de son départ. Écoute attentivement ce que l’on te dit et concentre-toi bien sur ta tâche.
Célestin hocha la tête. Ses yeux noisette d’habitude pétillants de malice étaient embués de larmes. Il les retenait pour ne pas peiner davantage sa mère.
-
Ne t’inquiète pas maman. Je ferais bien tout ce que l’on me demandera. Papa et toi serez fiers de moi.
-
Mais je suis déjà fière de toi! Il te faut juste un peu plus de temps pour apprendre. Surtout, ne te décourage pas.
Hermine embrassa le front constellé de tâche de rousseur puis, le cœur serré, regarda Célestin s’en aller.
***
L’atelier de maître Marius était grand, bien plus grand que celui de son père. Un four immense trônait au centre de la salle. Des hommes s’activaient devant les portes qui s’ouvraient sur un feu intense. Ils cueillaient la pâte de verre en fusion et roulaient les boules incandescentes pour les déposer dans des moules. D’autres ouvriers soufflaient dans les cannes pour gonfler la pâte chauffée à blanc et l’étiraient jusqu’à lui donner la forme voulue.
Célestin se présenta à l’un des enfants qui triaient le verre cassé près de l’entrée. Le gamin couru vers un homme penché au-dessus de plusieurs objets terminés qu’il scrutait attentivement à la recherche de défauts.
Maître Marius déplia sa haute et maigre silhouette et s’approcha de Célestin qu’il fixa d’un air sévère.
-
Te voilà donc ! Ton père m’a demandé de te prendre comme apprenti. Je le fais pour lui rendre service, mais ta réputation t’a précédé. Je te préviens : les erreurs sont punies et les dégâts sont à rembourser. C’est compris ?
-
Oui maître ! répondit Célestin impressionné.
-
Tu as déjà tenu les moules ?
-
Oui maître.
-
Alors va au four aider Pierre !
Il lui désigna un homme aux cheveux blancs qui cueillait de la pâte de verre avec sa canne. Célestin se précipita pour ouvrir le moule posé à côté du marbre où Pierre roulait déjà le verre pour préparer la forme. Pierre lui fit un clin d’œil en guise de remerciement et déposa la matière chaude dans le moule. Célestin la détacha de la canne d’un coup de pince.
-
Salut mon gars ! Comment tu t’appelles ? demanda Pierre en s’essuyant le front.
-
Célestin ! Je suis votre nouvel apprenti.
-
Merci mon gars ! Tu as compris tout de suite ce dont j’avais besoin. C’est un bon début.
Célestin rougit de plaisir avant de se souvenir qu’il devait maîtriser plus qu’un simple moule.
-
J’ai déjà travaillé dans l’atelier de mon père. Je suis ici pour me perfectionner.
-
Alors on va faire de toi le meilleur verrier de tout le pays, dit Pierre en lui donnant une tape amicale dans le dos.
Célestin faillit tomber en avant mais retrouva de justesse son équilibre.
Toute la journée, il sentit sur lui le regard de maître Marius. Célestin s’appliqua, songeant à chaque instant aux recommandations de sa mère. Attentif au moindre détail, il prenait soin de ne rien faire sans y avoir réfléchi à deux fois. Il se brûla tout de même à plusieurs reprises mais se mordit la lèvre pour ne rien laisser paraître. C’était son premier jour : il tenait à faire bonne impression.
Dans une verrerie, les conditions de travail étaient pénibles. Bien qu’habitué depuis son plus jeune âge à la chaleur brûlante du four, Célestin détestait s’approcher des flammes, nécessaires pour chauffer le sable et obtenir la pâte de verre. Sous la pression de son père Célestin s’était essayé à l’art du soufflage mais le résultat avait été une toux impossible à calmer et des objets informes bons à jeter.
-
Tu es encore trop jeune, lui avait dit sa mère. Il faut plusieurs années pour maîtriser la technique.
Célestin était malheureux d’avoir déçu son père. Il avait pourtant fait tout son possible pour le contenter, sans succès : toutes ses tentatives s’étaient soldées par des échecs. Alors ici, chez maître Marius, il était bien décidé à prouver ce dont il était capable.
À la nuit tombée, il rentra chez lui satisfait de sa journée. Le nez levé vers les étoiles, il ne remarqua pas une fillette qui venait en sens inverse. Il la percuta de plein fouet et ils tombèrent tous les deux à la renverse.
La fillette aux cheveux bouclés se releva d’un bond.
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Dis-donc, tu ne peux pas regarder où tu vas ?
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Pardon, je ne t’avais pas vue, dit Célestin en frottant la paume de ses mains écorchées.
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Ça, mes fesses l’ont remarqué, répliqua-t-elle avec amusement. Je m’appelle Séraphine.
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Moi Célestin. Désolé de t’avoir bousculée. Il se fait tard, je dois me dépêcher de rentrer, dit-il en repartant en courant.
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Fait bien attention ! cria Séraphine. Il fait sombre, tu risques à nouveau de faire trébucher quelqu’un.
Ses paroles se perdirent dans la nuit, Célestin avait déjà disparu au coin de la rue.
Séraphine, elle, ne voulait pas rentrer. Elle n’avait rien à ramener, pas la moindre piécette. Sa tante qui l’avait recueillie à la mort de ses parents ne le tolèrerait pas. Séraphine n’échapperait pas à la punition : enfermée dans la cave à charbon, dans le noir et la poussière jusqu’au matin. Il n’y avait rien de plus effrayant !
Séraphine préférait passer la nuit dehors, dans le froid glacial, plutôt que d’être prisonnière du sous-sol terrifiant en compagnie des rats.
La fillette trouva refuge sous l’arche du vieux pont de pierre qui enjambait la rivière. Il commença à pleuvoir, puis la pluie se transforma flocons.
La première neige, annonciatrice de l’hiver.
Séraphine finit par s’endormir en grelottant, blottie sous deux sacs de jutes abandonnés là par le vent.
Extrait de "Les boules de Noël " de Anne Maillard
La bibliothèque de pierre
Victor n’avait jamais été très bon à l’école mais il avait toujours réussi à suivre les cours. Depuis quelques temps, ses difficultés s’étaient aggravées. Plus lent que ses camarades de classe, il subissait leurs moqueries quand il lisait avec hésitation et les remarques de ses professeurs au sujet de son incapacité à mémoriser les cours l’humiliaient chaque jour davantage. Il n’en pouvait plus et refusait de faire ses devoirs, au grand désespoir de sa mère Viola.
Sa petite sœur Vanille était triste de le voir ainsi. Elle réfléchissait de quelle manière elle pourrait l’aider quand elle songea à tante Violette, la sœur de sa maman. Cette dame mystérieuse qui était apparue soudainement dans leurs vies était pleine de surprises. Elle possédait des objets magiques !
« Voilà la solution ! songea Violette. Tante Violette et sa magie allaient aider Victor à mieux apprendre à l’école. »
Vanille devait absolument la faire venir. Elle décida d’en parler à sa mère.
-
Maman, tu as des nouvelles de tante Violette ? J’aimerais bien la revoir. Est-ce que tu pourrais l’inviter ?
Viola regarda sa fille avec surprise. Vanille et Victor ne l’avaient rencontrée que deux fois, ils la connaissaient à peine. Puis elle songea à l’amélioration des relations entre Vanille et Victor depuis sa dernière visite. Elle fronça les sourcils. Ces derniers temps, Victor n’allait pas très bien. Il était d’humeur morose et les devoirs étaient devenus une corvée insurmontable. Viola avait été convoquée à l’école pour parler de ses mauvais résultats. Malgré les discussions qu’elle avait eues avec lui, il ne voulait plus faire d’efforts. Il disait que quoi qu’il fasse, cela ne servait à rien, que même s’il révisait durant des heures, il ne progressait pas et ses évaluations étaient remplies d’erreurs.
Peut-être que de revoir Violette aurait un impact positif sur la motivation de Victor ?
Viola sourit à Vanille.
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Bonne idée ! Laisse-moi retrouver le billet qu’elle m’a donné avec ses coordonnées, dit-elle en fouillant dans son sac à main. Zut ! Je ne le retrouve plus.
Elle se mit à chercher partout, dans son petit bureau, dans tous les tiroirs de la cuisine, sur les étagères de la bibliothèque. Elle regarda même sous la table du salon. Sans succès.
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Je suis désolée. Ta tante est toujours en voyage, jamais deux fois au même endroit. Sans son numéro de téléphone, impossible de la retrouver. Mais ne t’inquiète pas, elle m’a promis que cette fois elle ne tarderait plus à venir nous voir.
Vanille fut extrêmement déçue. Cela risquait d’être long. Ils devaient trouver un moyen de la joindre. Puis elle repensa à ce que lui avait dit tante Violette au sujet de la magie : qu’un jour elle reviendrait dans leur vies lorsqu’ils en auraient besoin.
Et Victor en avait grand besoin !
Vanille alla retrouver son frère dans sa chambre. Au lieu de réviser ses devoirs, il jouait avec sa console, un casque sur les oreilles.
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Il faut qu’on parle, dit-elle d’un air décidé en lui ôtant son casque.
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Hé ! qu’est-ce que tu fais ? Tu ne vois pas que je suis occupé ?
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Tu as besoin de magie !
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Quoi ? demanda Victor avec une grimace. Qu’est-ce que tu racontes ?
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Tu sais bien, la magie. Tu en a besoin pour que ça aille mieux à l’école.
Victor ouvrit de grands yeux en comprenant ce que lui disait sa sœur avant de hausser les épaules d’un air résigné.
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Ce ne sont pas des jeux, même magiques, qui vont faire disparaître mes difficultés, ni améliorer mes capacités.
Il faisait allusion aux puzzles aux motifs qui prenaient vie et que Violette leur avait confié temporairement.
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Tante Violette a dit qu’avec la magie, tout était possible. Elle connait sûrement un moyen pour améliorer tes résultats.
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Ce serait tricher.
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Mais non, dit Vanille d’un ton agacé. C’est comme si tu prenais un cours de soutien amélioré, un moyen magique d’apprendre. C’est pas de la triche, c’est évident !
Victor ne put s’empêcher de rire.
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Si tu le dit !
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Le problème, continua Vanille, c’est que maman a perdu le numéro de téléphone de tante Violette et qu’elle ne sait pas où elle se trouve pour la contacter.
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Oui, c’est plutôt embêtant.
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Mais je me suis souvenue que tante Violette m’a dit que si on en avait besoin, la magie apparaitrait dans nos vies.
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Et pourquoi la magie apparaitrait dans nos vies ? demanda Victor avec un soupir, fatigué qu’elle lui parle par énigmes.
Vanille leva les yeux au ciel. Décidément, il fallait tout lui expliquer. Il avait vraiment, vraiment, besoin de la magie de tante Violette.
Vanille mit une main sur sa hanche et de l’autre désigna le tas de livres et de cahiers entassés au pied du lit de son frère.
La lumière se fit dans l’esprit de Victor.
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Bien sûr ! Tu as raison ! Et comment on la fait venir ? D’un coup de baguette magique ?
Vanille haussa les épaules d’impuissance.
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Je n’en sais rien. Tante Violette n’a pas dit comment faire. Juste qu’elle reviendrait dans nos vie quand on en aurait besoin.
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Elle aurait pu nous donner une formule ou un numéro d’urgence. Ce serait quand même plus simple.
Vanille ne dit rien. Elle n’avait pas de réponse, seulement beaucoup d’espoir.
Victor remit son casque et reprit sa partie, laissant sa sœur à ses pensées.
Extrait de "La bibliothèque de pierre " de Anne Maillard