Pour vivre heureux…

Où est caché le chat ? Le chat à trois pattes, noir et blanc, blanc et noir. Noir comme la nuit, son dos se fond avec le tapis, avec les coussins. Les coussins amassés, entassés sur le lit, forment un nid douillet. Douillet, accueillant. C’est dans ce lieu de perdition que le chat se cache. Enroulé sur lui-même, il se fond dans le décor, formant à son tour l’illusion d’un coussin. Un coussin de camouflage au milieu d’un camaïeux de gris charbonneux et de sombres noirs. Noir comme la nuit, le coussin ronronne. Ronronne de plaisir, de bien-être, seul indice du vivant. Vivant et endormi, assoupi, inattentif au point que le mimétisme se révèle dangereux. Dangereux celui qui se couche, s’assied, s’avachit de tout son poids sur les irrésistibles coussins. Coussins qui se transforment en diable miaulant, furie aux griffes assassines. Assassines et vengeresses d’un paisible repos ruiné, d’une quiétude disparue. Disparu le chat. Il a filé, s’est volatilisé. Mais où est caché le chat ?

Le chat voit tout de sa cachette. Ses yeux comme des billes se dilatent. Se dilatent les pupilles de colère. Outré, irrité, sa dignité mise à mal, le chat se fige. Fige tous ses muscles, hormis sa queue qui bat la mesure de son indignation. Indignation qui jaillit de son regard fixe, inquiétant, glaçant, menaçant. Tout est dit. Seulement, le chat qui voit tout de sa cachette, est invisible. Invisible fantôme aux yeux des aveugles qui en sont encore à se demander où est caché le chat.

Anne, le 29.04.2024