Je ne suis pas qui tu crois !

Mon parfum suave t’attire irrésistiblement, ma robe colorée te séduit inexorablement et tu me fais ta cour avec un enthousiasme naïf. Tu viens à moi, aveuglé par ton désir, sans réaliser ta méprise. Et te voilà à mon service, chargé de mon pollen, porteur de ma descendance, avant de t’en aller bredouille, à la recherche d’une vraie partenaire.

Je ne suis pas qui tu crois, non pas femelle bourdon mais fleur artiste, reine des faux-semblants.

Porteur de mort, tu voles, tu virevoltes, tu me frôles, tu me repères, tu te jettes sur moi avant de te détourer précipitamment, terrifié par ces grands yeux qui viennent d’apparaître devant toi. Des yeux orange de prédateur, des yeux synonymes de danger. Tu t’en vas sans demander ton reste, encore sous le choc de ta méprise. Alors je referme mes ailes, camouflant ces ocelles mimétiques qui ne sont qu’un leurre.

Je ne suis pas qui tu crois, non pas hibou ni même chouette, simplement papillon, roi de l’illusion.

Tu avances sans crainte ni méfiance, tout à ta recherche de nourriture. Tu te fies à tes antennes, à ta vue kaléidoscope qui ne t’a encore jamais fait défaut. Et pourtant ! Je suis là, tout proche, balançant mon corps d’un mouvement si lent qu’il en est imperceptible, ma peau mosaïque se confondant avec le vert du feuillage pour se muer en écorce rugueuse. Brusquement, ma langue se déploie, se déroule. Elle est projetée si vite que tu ne réalises pas ta méprise.

Je ne suis pas ce que tu crois, non pas décor changeant sous les rayons du soleil mais caméléon, champion toute catégorie de la dissimulation.

Je suis ce que je suis !

Je suis ce que je suis !

Reine de l’évolution, sophistication suprême, ma reproduction est liée à ma livrée.

Je suis ce que je suis !

Une fleur artiste qui piège les crédules.

Je suis ce que je suis !

Roi de la métamorphose, des apparences trompeuses, ma survie dépend de mon talent d’imitation.

Je suis ce que je suis !

Un papillon mystérieux qui effraye les effraies.

Je suis ce que je suis !

Champion de la transformation, de l’illusion, ma subsistance repose sur ma capacité à avancer masqué.

Je suis ce que je suis !

Un caméléon, chasseur en embuscade à la langue bien pendue.

Anne, le 27.09.2021