Girouette

Je grince, je crisse, je gémis. Souvent je cliquette, je craquète. Je tourne, tourne et tourne, ma ritournelle est sans fin. Je ne sais pas où donner de la tête. La faute au vent, ce farceur qui me fouette et me fait tourbillonner.

Je suis la girouette, petite silhouette qui pirouette, marionnette désuète, carrément obsolète. Perchée sur l’arête du toit, je pivote sur mon axe et subit les caprices des saisons qui se répètent. J’endure rafales et bourrasques de tempêtes titanesques, je ne suis pas une mauviette. De mes hauteurs, j’ai une vue d’ensemble, une perspective parfaite. Bercée par le chant des rainettes, le hululement des chouettes, je vois filer au cœur de la nuit de discrètes comètes. Le jour, fauvettes, alouettes et autres nonettes me font la conversation alors que les mouettes me tiennent informée des nouvelles de la planète, sans oublier les poulettes, ces pipelettes en goguette, qui me caquettent les rumeurs indiscrètes. J’aime aussi parfois faire la causette ou pousser la chansonnette avec la sonnette de la maisonnette et les clochettes des chevrettes, ces charmantes biquettes.

Je suis la girouette, un coq, un fier à crête sur sa flèche qui indique le nord, le sud ou l’ouest. Ni changeante ni inconstante, jour après jour, je veille, je guette. Le vent qui rouspète me donne mal à la tête. J’en ai assez de ses sornettes. Seulement voilà, quand il s’absente, je m’ennuie de ce trouble-fête souvent poète, je végète, deviens muette. À son retour, Lucette, une fillette toujours guillerette, un peu folette, fait voltiger son cerf-volant dont la cordelette s’est entortillée autour de mon axe. Quel casse-tête ! Après une périlleuse grimpette, la drôlette en salopette la libére d’une pichenette. Quelle adresse ! Depuis, elle se méfie, et dès que sa voilette fait trop de galipettes, elle enroule sa moulinette à toute vitesse.

De plus en plus, la mélancolie me gagne. C’est pas la fête. La rouille m’habille et le soleil ne se reflète plus sur mes deux facettes. Je ne projette plus aucun éclat. Et là-haut sur le faîte, je me sens bien seulette et lache quelques larmichettes. Mais pour être honnête, je résiste, je m’entête, je ne suis pas encore mise aux oubliettes. Je ne suis pas un gadget. Je suis la girouette.

Anne, le 28.08.2023