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Quatre directions

  • Photo du rédacteur: anne
    anne
  • 6 déc. 2023
  • 4 min de lecture

Je suis l’Est. Point cardinal situé à la droite de la Rose des Vents ou d’une boussole. Je localise la dextre, le tribord. Berceau de la lumière, je suis là où débute la course du soleil, je suis le Levant. Direction sacrée, je symbolise également un lointain exotique et l’on me nomme Orient. Impalpable, j’oriente, j’indique une voie, une situation géographique. Par rapport à qui, par rapport à quoi ? C’est toute la question. Pour cela, on créa les latitudes, les longitudes et le méridien de Greenwich. Dès lors on positionne, on cartographie et je deviens concret. Des paysages, des populations, des cultures. Je deviens un fourre-tout identitaire. Pays de l’Est ou pays du Soleil Levant, Orientalisme ou Proche-Orient. Des réalités qui se télescopent. Une histoire aussi : la route de la Soie, la Compagnie des Indes, la Guerre froide. Des noms évocateurs liés à ce que je ne suis pas. Alors, que suis-je donc ? Rien qu’une direction abstraite, sans substance, qui n’a de réalité que celle que l’on veut bien lui donner. Pour me différencier d’un verbe, l’on m’attribue une majuscule. Une majuscule pour me distinguer, souligner mon importance. Quel honneur pour un concept, une notion qui n’a d’autre fonction que de guider. Je suis l’Est. Juste un point cardinal. Point final.


Je suis l’Ouest. Point cardinal situé à la gauche de la Rose des Vents ou d’une boussole. Je localise la sénestre, le bâbord, le ponant. L’on me nomme Occident. Direction céleste où le soleil disparaît à chaque fin du jour, où la lumière se retire, je suis le Couchant. Portail vers les ténèbres, je symbolise la nuit, l’inconscient, le noir. Aller vers l’Ouest, c’est avancer, aller vers sa finitude. Tout m’oppose à l’Orient. À nous deux nous marquons une division, une séparation : Empire romain d’Orient ou d’Occident, Bloc de l’Est ou de l’Ouest. L’on dit de quelqu’un qui à la tête ailleurs, qui ne sait plus ce qu’il fait qu’il est « est à l’Ouest ». Pourtant je signifie bien plus que cela. Destination de découvertes inédites, il y a eu la conquête de l’Ouest, vastes terres sauvages d’un Nouveau Monde inconnu peuplé d’hommes farouches et fiers. Mais aussi, pour beaucoup, je suis le bord du monde, là où la terre s’arrête et où les océans remplissent l’horizon. Côtes hostiles battues par les vents et immensités redoutables. Objet de contemplation, je suis représenté par un soleil qui disparaît dans un flamboiement de rouges sanglants à la lisière de plaines infinies, de forêts majestueuses ou de flots invincibles. J’inspire le respect, la grandeur, mais également le romantisme, l’aventure. Alors que suis-je donc ? Une direction qui a revêtu des attributs tout à la fois vagues et significatifs, révélateurs d’identités qui ne sont pas miennes. Je suis l’Ouest. Juste un point cardinal. Point final.


Je suis le Nord. Point cardinal situé en haut de la Rose des Vents ou d’une boussole. Je localise l’arctique, le boréal. L’on me nomme Septentrion. Direction essentielle, je suis l’Azimut qui indique le nord géographique ou magnétique, la voie droite, avec pour se guider, une constellation, la Grande Ourse, et une étoile immuable, l’étoile du Nord. Phare céleste, elle conduit les explorateurs de l’extrême jusqu’au Pôle, point ultime par-delà d’immensités recouvertes d’une épaisse couche de glace. Le globe terrestre, séparé par l’équateur, se divise en deux hémisphères. Longitude près longitude, on monte vers le nord, jusqu’à dépasser le cercle polaire, limite où le soleil fait le tour de l’horizon sans se coucher lors de brefs étés et disparaît au cours de nuits interminables durant des hivers qui le sont tout autant. Hanté par le souvenir des Hyperboréens, ses anciens habitants devenus légendes, le Grand Nord et ses vastes étendues d’une blancheur aveuglante, symbolise un univers à la fois ancien et méconnu, mythique et sacré. Ces lieux surnaturels, protégés par d’impénétrables nuées, sont parfois illuminés par d’étranges lueurs dansantes, les aurores boréales. Continent perdu ou île inaccessible, à la fois réel ou mythique, les régions polaires surnommées « terre du brouillard » ou « terre au-delà des brumes », ont longtemps gardé leur mystère, isolées, cernées par les eaux figées de la banquise. Dans ces pays nordiques, mondes gelé balayés par des vents violents chargés de neige, vivent de rudes populations, des anciens Vikings aux actuels Inuits, qui ont su s’adapter à un environnement aussi grandiose qu’inhospitalier. Peuples du nord, peuples du froid. Ainsi me voilà résumé à un climat, alors que si l’on « perd le Nord », c’est que l’on a perdu sa voie, que l’on est déboussolé, tandis que suivre le Nord, c’est être dans la bonne direction, viser le bon cap. Et me voilà redevenu ligne directrice, axe vital. Alors que suis-je donc ? Je suis le Nord. Juste un point cardinal. Point final.


Je suis le Sud. Point cardinal situé en bas de la Rose des Vents ou d’une boussole. Je localise le méridien, l’austral. Qui vient du Sud se dit méridional. Direction astrale, l’on me nomme Midi pour désigner le moment où le Soleil est à son apogée. L’hémisphère Sud se situe en dessous de l’équateur et son ciel brille de la Croix du Sud, constellation vitale pour qui navigue sur ses écumes sauvages ou ses eaux turquoise. But migratoire pour une existence loin des frimas du Nord, le Sud est associé à la chaleur et à la douceur de vivre. Les terres du Sud sont aussi des terres d’extrêmes, de bout du monde aux confins des océans, ces mers australes inconnues où vivent créatures fantastiques et monstres marins. Au Sud, les caps les plus reculés, les eaux sans limites des 40èmes rugissants et des 50èmes hurlants, la Terre de Feu est son climat hostile, le pôle Sud et ses étendues glacées. Plus souvent l’on pense exotisme, atolls et lagons avec leurs plages de sable fin, jungles exubérantes, vastes savanes ou déserts brûlants. Mais aussi pauvreté, traditions ou dépaysement, peuples premiers et cultures connectées à la nature. Nord et Sud s’opposent. L’un symbolise l’hiver, l’autre l’été. Ils séparent des continents, des pays : Amérique du Nord ou du Sud, Corée du Nord, Corée du Sud. Ils incarnent des idéologies : sudiste ou nordiste. Sud proche ou Sud lointain, je reste une destination de prédilection, un idéal de vie. Ne suis-je que cela ? Alors que suis-je donc ? Je suis le Sud. Juste un point cardinal. Point final.


Anne, le 27.11.2023

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