Panache et plumeau blanc, histoire d’un écureuil pas ordinaire
- anne
- 15 déc. 2020
- 3 min de lecture
Il était une fois un écureuil pas comme les autres. Le jour de sa naissance, rien ne le distinguait, mais quand ses poils se mirent à pousser, sa mère fut stupéfaite. Au milieu de sa portée de noirauds et de rouquins, on ne voyait que lui, d’un blanc immaculé. Insensible à la beauté de son pelage, elle ne songeait qu’à cette différence : « Le pauvre, il ne va pas survivre longtemps ! »
Lors de leurs premières sorties, une martre attaqua les jeunes écureuils et emporta l’un d’eux. Depuis ce terrible évènement, ses frères et sœurs n’aimaient pas rester près de lui. Repérable de loin, il attirait sans coup férir les prédateurs. Des buses, des pies, quelques chats et même un chien tentèrent également de le chasser mais sa dextérité hors du commun lui sauva la vie. À chaque fois, le toupet blanc de sa queue était la seule chose qu’ils apercevaient avant qu’il ne disparaisse.
Il était malheureux. Toujours seul lors de la récolte de glands, bourgeons, noix et autres gourmandises, il faisait ses réserves mais le cœur n’y était pas. Le soir, il regagnait le nid et se roulait en boule tout contre les siens. Là, à l’abri des regards, ils le toléraient. Lui maudissait ce pelage qui les mettait tous en danger. C’est ainsi qu’il s’éloigna toujours plus, aussi loin qu’il osait. Un jour, il grimpa sur un pin pour y déguster ses délicieux pignons et remarqua au creux d’une fourche un trou de pivert abandonné. Il décida d’en faire son logis. À quoi bon rester si l’on ne voulait pas de lui. En outre, il ne tenait pas à être la cause d’autres malheurs. Il ne revint plus.
Il tapissa son refuge de plumes douillettes et d’herbes sèches. Les nuits fraichissaient, l’hiver était tout proche. Un matin, il se réveilla en frissonnant. La forêt était étrangement calme. Il pointa le bout de son nez hors du trou et fut ébloui par ce qu’il découvrit. Tout était recouvert de neige ; la nature environnante scintillait sous les rayons du soleil. Une fois dehors, il constata qu’il s’enfonçait à peine dans cette matière étrange et froide. Puis il réalisa avec étonnement qu’il se fondait parfaitement dans ce nouveau décor. Il pourrait se déplacer sans craindre à tout moment de se faire dévorer. Se réjouissant de cette aubaine, il profita avec insouciance de son camouflage. Une hermine aussi blanche que lui croisa sa route. Elle mit en garde le jeune imprudent :
- À t’aventurer ainsi à découvert, tu vas attirer l’attention. Ta couleur ne suffira pas à te protéger !
Il ne l’écouta pas et un soir, alors que la pénombre s’installait, une chouette le repéra. Les serres meurtrières fondirent sur le malheureux qui réussit à s’enfuir de justesse, bondissant de branches en branches. Dans sa fuite éperdue, il s’égara et se retrouva à la lisière du bois près d’une habitation humaine. Apeuré, il resta caché parmi la ramure d’un haut chêne. Mais la nuit était glaciale et la maison dégageait une chaleur attirante. Le grand arbre projetait ses branches au-dessus de la modeste demeure. L’écureuil se hasarda avec témérité jusqu’au toit de chaume puis se faufila à l’intérieur. L’endroit, sec et chaud, était accueillant. Il se mit aussitôt à fureter à la recherche de nourriture et distingua par une fente du plancher un sapin chargé de fruits rouges. Il hésitait à descendre mais la faim le tenaillait. N’y tenant plus, il repéra un passage qui le conduisit jusqu'à ces pommes appétissantes. Elles brillaient tant qu’il y voyait son reflet. Il en attrapa une et mordit dedans mais ses dents glissèrent sur la surface dure. Il lâcha le fruit avec stupeur. Au même instant, une bûche éclata dans la cheminée. Des flammèches projetées hors du foyer mirent le feu au tapis. Pris de frayeur, le petit écureuil se réfugia dans le sapin mais il sauta si fort parmi les branches que l’arbre bascula dans un grand fracas. Réveillés par le vacarme, les habitants arrivèrent précipitamment et purent éteindre le début d’incendie. Soulagés, ils redressèrent le sapin d’où fusa une boule de poils au panache duveteux qui partit se réfugier dans les combles.
Malgré cette mésaventure, il trouva l’endroit plaisant. Ici sa couleur n’avait pas d’importance et il décida d’y élire domicile. Il s’accommoda fort bien de ses nouveaux voisins qui laissèrent avec bienveillance leur sauveur maladroit prendre ses aises. Depuis ce jour, on déposa chaque soir quelques friandises pour le petit écureuil blanc qui avait porté chance à la maisonnée un soir de Noël.
Anne, le 04.11.2015
Comments