Le tournesol qui n’en faisait qu’à sa tête
- anne
- 31 août 2022
- 2 min de lecture
La tête à l’envers, tournant le dos au soleil, il faisait bande à part. Il en avait marre d’être tout le temps ébloui, à fixer ainsi l’astre du jour. Il ne voyait rien d’autre. Du matin au soir, la marée blonde de ses semblables fixait béatement son idole, se dorant les graines, se rissolant les pétales. C’était à qui s’élèverait le plus haut pour profiter de la lumière sacrée et de la chaleur bénie. Désespoir ultime, les nuages qui masquaient l’astre adoré. L’humeur morose, les têtes se baissaient jusqu’à l’embellie et le retour du feu céleste.
Hélianthe, c’était son nom, ne supportait plus cette vie monotone et unilatérale.
« Sa boussole est déréglée ! » « Il n’en fait qu’à sa tête ! » « Il est désorienté ! » « Il a perdu le cap ! » disaient de lui ses camarades. Mais lui ignorait ces esprits chagrins. À se tordre le cou vers le reste du monde, il découvrait des merveilles. Les fleurs des champs de toutes les couleurs, les épis de blés et les champs de colzas. Dans le pré d’à côté, il apercevait les renardeaux folâtrer et les ruminants brouter. Et puis il voyait enfin passer le train qu’il n’avait fait qu’entendre jusque là. Et les vélos ! Et les tracteurs ! Toute une vie animée qu’il avait ignorée, obnubilé par le soleil et son éclat. Bien entendu, il y avait les visites des insectes et des oiseaux, ces compagnons familiers. Pourtant cela ne lui suffisait plus. La curiosité lui avait fait perdre la tête mais il en était bienheureux. Risquer un torticolis était un moindre mal, la vie était trop courte pour se contenter de regarder dans une seule direction et de se laisser éblouir par une unique source de lumière. Hélianthe avait coloré son existence avec toutes les nuances de l’arc-en-ciel, alors ce que les autres en pensaient, il n’en avait que faire !
Anne, le 13.07.2020
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