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Le chevalier rouillé

  • Photo du rédacteur: anne
    anne
  • 9 nov. 2020
  • 2 min de lecture

Jadis, un chevalier rouillé plein de fougue frissonnait stupidement à l’orée de la forêt de pierre. Il s’était perdu sous la lune ronde, moche et méchante, qui s’était endormie derrière un nuage qui passait par là. Le chevalier avait oublié son lampadaire de poche et il ne savait que faire. Un dromadaire de nuit vit son désarroi larmoyant et le prit en pitié. Il chanta la complainte du ver luisant, ce qui fit apparaître des centaines d’étoiles clignotantes. Elles virevoltèrent devant le nez du chevalier qui les suivit en pas chassé. Son armure rouillée bringuebalante et bruyante faisait résonner les arbres de pierres à en réveiller la lune. Comme il n’y voyait guère, son pied gauche s’encoubla dans son pied droit et le chevalier tomba dans une mare aux canards qui traînait par là. Le dromadaire de nuit revint sur ses pas et s’esclaffa tant que sa bosse se gondola et se plissa comme un vieux pruneau. Le chevalier tenta de sortir de l’eau qui se mit à briller d’un vert fluorescent, mais son armure trop lourde s’enfonçait dans la vase. Le chevalier leva son épée de bois, la planta dans la berge et tira, tira, jusqu’à sortir de l’eau. Mais il constata avec un rire jaune que son armure était restée plantée dans la boue vorace. Les lucioles tournoyaient autour du cadavre debout, lui donnant l’illusion de la vie. Sans son habit de rouille, le chevalier n’avait plus rien d’un héros héroïque. Il ne restait qu’un petit bonhomme tout mouillé, frissonnant stupidement au bord d’un rivage désolé. Il se faufila sans tapage parmi les ombres muettes à la recherche du dromadaire. Celui-ci accepta de l’aider encore une fois et il se mit à boire l’eau à en vider la mare. La vase luminescente (car c’était elle qui irradiait de lumière verte) s’éteignit. Elle se mit à sécher et à craqueler. Enfin, le chevalier put marcher jusqu’à son armure. Avec une pioche, il creusa et sortit sa bien-aimée rouillée de cet embarras. Il la revêtit avec allégresse puis, dans un concert de grincements, fit la révérence à un dromadaire plein comme une barrique. Les plis de sa bosse avaient disparus et elle était à présent ronde comme un ballon prêt à éclater. Le bossu repartit en se dandinant, laissant derrière lui un chevalier mouillé, encore plus rouillé.


Anne, le 25.03.2019

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