Le bourdon, le papillon et l’escargot
- anne
- 12 nov. 2024
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Par un frais matin d’avril, un bourdon à peine éveillé aperçu un papillon posé sur un caillou qui se réchauffait dans un rayon de soleil. D’humeur bavarde, il atterrit à côté de l’élégant insecte.
- Bonjour ami papillon. Les fleurs sont encore rares en ce début de printemps, ne trouves-tu pas ?
Le papillon le regarda à peine, fort mécontent que l’on dérange sa tranquillité. De plus, il n’allait certainement pas lui révéler où se trouvait le coin riche en anémones et violettes à peine écloses pour que ce glouton dévalise nectar et pollen. Mieux valait l’éloigner avec une demi-vérité
- C’est bien vrai. Chaque jour apporte une nouvelle abondance. J’ai aperçu dans un pré voisin profusion de pissenlits et boutons d’or aux couleurs éclatantes.
Il ne précisa pas que des ruches le bordaient et qu’une armée d’abeilles l’avaient déjà largement ratissé.
Le bourdon qui nettoyait les poils de son ventre eu l’air très intéressé.
- Voilà qui me ravi. Nous allons pouvoir nous régaler.
Une voix courroucée s’éleva du rocher sous leurs pattes.
- Dites donc là-haut. Vous pourriez aller faire causette ailleurs. En plus de m’avoir réveillé, vous pesez sur ma coquille.
Le bourdon et le papillon échangèrent un regard surpris. Qui donc leur parlait ?
Deux antennes molles et visqueuses s’élevèrent lentement à leur hauteur et se tournèrent pour leur faire face. Encore plus lentement, la coquille s’ébranla ce qui les incita à prendre leur envol.
- C’est déjà assez pénible de la transporter sans que des sans-gêne y prennent leurs aises.
- Quand on se promène avec ce qui ressemble à un caillou sur le dos, il ne faut pas s’étonner à ce qu’il y ait confusion, bougonna le bourdon.
- Ma coquille n’a rien d’un caillou. Ne voyez-vous pas ses spirales gracieuses et sa nacre délicate ? Elle est creuse et me protège. Rien à voir avec un vulgaire caillou.
Outré, l’escargot s’empressa de s’éloigner de ces malotrus. D’un coup d’aile vrombissant, le bourdon atterrit sur le sol et se mit à trottiner à ses côtés en observant d’un air perplexe la lourde carapace.
- Tu ferais mieux de t’en débarrasser, tu te traînes. À cette vitesse, tu auras tôt fait d’être rattrapé et dévoré. Voire carrément écrasé.
Le papillon qui voletait autour du duo, se mêla de la discussion.
- Il faut admettre qu’il a raison. Sans compter qu’avant que tu n’arrives à ta destination, le soleil sera déjà couché.
- Vous n’y comprenez rien. Sans ailes, je suis condamné à rester au sol. Je ne suis ni véloce, ni léger. Cette coquille est mon refuge. Je ne peux compter que sur elle pour me protéger.
- Une vie au ralenti, voilà qui m’ennuierait, rétorqua le bourdon que la conversation commençait à lasser. Je préfère butiner et voir du pays. D’ailleurs, je dois y aller. Le travail n’attend pas.
- Moi non plus, je ne dois pas m’attarder, déclara le papillon soudain pressé. La recherche de fleurs est une tâche qui n’en finit pas et la concurrence féroce.
Les deux importuns partis, l’escargot replia mollement une de ses antennes, la déplia, replia la seconde qu’il redressa à nouveau. Décidément, ces agités aéroflottant lui avaient donné le tournis. Pourquoi donc se presser de la sorte si on n’a même pas le temps de se reposer un instant ? La pression fatigue et n’est pas bonne conseillère. Elle les mènera à leur perte. À voir le monde autour de lui en perpétuelle effervescence, l’escargot se dit que lui est privilégié de pouvoir savourer paisiblement bonne chère et bon temps, à cheminer tranquillement mais sûrement sur les sentiers de la sérénité.
Anne, le 07.05.24
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