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La lettre

  • Photo du rédacteur: anne
    anne
  • 6 juin 2021
  • 3 min de lecture

Dans la boîte aux lettres, Sophie trouva un papier l’invitant à se rendre au bureau de poste, ce qu’elle fit le jour-même.

À sa grande surprise, elle dut s’acquitter de la différence de prix du timbre d’une lettre toute froissée, tarifée à --.20 centimes. Une fois en possession de la mystérieuse missive adressée à son grand-père, Sophie la retourna pour voir qui l’avait envoyée. Elle eut du mal à déchiffrer l’écriture gracieuse et raffiné, toute en boucles et déliés. Sophie François, le nom de sa grand-mère dont elle portait le prénom.

Sophie fronça les sourcils.

- Excusez-moi ! demanda-t-elle à l’employée au guichet. D’où provient cette lettre ? Elle doit dater car il semble que ce soit ma grand-mère, depuis longtemps décédée, qui l’a envoyée.

L’employée afficha un air gêné.

- Lors du remplacement du mobilier de la poste, nous avons retrouvé cette lettre coincée derrière le meuble servant au tri du courrier.

- Ma grand-mère est morte il y a cinquante ans ! s’offusqua Sophie. Au lieu d’avouer votre responsabilité vous ne trouvez rien de mieux que de me faire payer le timbre ?

L’employée bafouilla de plates excuses et tenta d’invoquer le règlement mais Sophie était déjà partie, serrant avec émotion cette relique du passé.

La jeune femme vivait avec son grand-père dans sa vieille demeure, héritage d’une ancienne lignée dont elle était la dernière descendante. Peu loquace, Lucien n’aimait pas parler du passé et encore moins de cette épouse trop tôt disparue.

Sophie marchait d’un pas pressé, dévorée de curiosité, sans oser ouvrir l’enveloppe. Après tout, elle était destinée à son grand-père. Elle le trouva dans le jardin, un voile de protection sur la tête, à enfumer sa ruche. Les abeilles bourdonnaient autour de lui et Sophie n’osa pas s’approcher.

Elle l’interpella depuis le portail.

- Grand-Père ! J’ai un courrier pour toi.

- Tu ne vois pas que je suis occupé ? maugréa-t-il, concentré sur sa tâche.

- C’est important !

- Plus tard ! Je verrai ça plus tard !

- C’est une lettre de Grand-Mère…

À ces mots, Lucien se retourna lentement.

- Ta plaisanterie n’est pas amusante.

- Ce n’est pas une plaisanterie. La poste a retrouvé cette lettre coincée derrière un meuble. C’est incroyable !

Lucien ne dit plus un mot.

- Vite ! Viens l’ouvrir ! Tu n’as pas envie de savoir ce qu’elle dit ?

Sophie réalisa que des larmes brillaient dans les yeux de son grand-père et en fut bouleversée. Toute à sa curiosité, elle n’avait pas songé aux émotions que cela réveillerait.

- Pardon Grand-Père ! Prends le temps qu’il te faudra. Tiens !

Elle lui tendit la lettre qu’il refusa d’un signe de tête. Sans insister, Sophie la déposa sur le banc devant la maison puis disparut à l’intérieur.

Lucien s’approcha et regarda le papier jaunis, le timbre au motif vieillot et l’écriture qu’il reconnut immédiatement.

Elle lui avait écrit !

Elle avait disparu un jour de mai, le laissant seul avec leur fille de 6 mois. La police avait cherché partout, draguant l’étang du bois, fouillant les fossés, émettant des avis de disparition à la radio, dans les journaux, à la télévision. En vain ! Jamais ils ne trouvèrent d’indice prouvant son décès mais pour préserver sa fille, Lucien lui avait raconté que sa mère était morte. Et maintenant cette lettre, surgie du passé !

Qu’allait-elle lui révéler ? Qu’allait-il découvrir ?

Il tendit une main tremblante et s’en empara maladroitement. Il la contempla longuement, sans arriver à l’ouvrir. Un mouvement furtif le tira de ses pensées : sa petite-fille l’observait depuis la fenêtre de la cuisine.

Il décida de la rejoindre. Il n’avait pas la force d’affronter seul la vérité enfin dévoilée.

À l’abri des regards, au cœur du foyer rassurant, Lucien révéla toute l’histoire à sa Sophie, puis il ouvrit l’enveloppe et déplia le papier épais.

Sophie derrière son épaule, ils lurent ensemble les paroles désespérées d’une femme perdue.


Anne, le 30.05.2016

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