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Devenir chèvre

  • Photo du rédacteur: anne
    anne
  • 7 mars 2022
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 19 mars 2022

Dans la cour, l’exaspération était à son comble. Les poules caquetaient d’un air outré.

- Elles sont insupportables !

- Toujours à n’en faire qu’à leur tête !

- À chaque fois c’est pareil, on dirait qu’elles n’apprendront jamais !

Les moutons, qui s’étaient rassemblés dans le pré juste à côté, écoutaient en approuvant gravement.

- Cette fois, elles sont allées jusqu’au village et ont brouté les fleurs de tous les jardins.

- À faire tourner en bourrique le fermier, elles vont finir chez le boucher !

- C’est à croire qu’elles n’ont rien dans la cervelle !

Le chat, qui somnolait sur le toit du poulailler, intervient.

- Si seulement le chien effectuait correctement son travail, il n’y aurait pas tout ce remue-ménage.

Tous approuvèrent, même les vaches, généralement indifférentes aux commérages.

- Les voilà ! s’exclama une oie qui s’était jointe aux poules.

Toutes les têtes se tournèrent pour observer la dizaine de chèvres qui caracolaient joyeusement derrière le fermier, le chien fermant la marche.

- Cela ne vous gêne pas de provoquer une telle agitation ? les apostropha le bélier d’un air irrité.

Un concert de bêlements accueillit la question, tandis que le chien les poussait dans le pré avec les moutons. L’aînée du troupeau, une grande chèvre brune aux cornes affûtées, bondit sur la souche du vieux tilleul, disparu depuis longtemps.

- Pourquoi serions-nous gênées ? C’est notre nature de vagabonder, sauter, grimper, débroussailler. Nous sommes curieuses, sociables et aventureuses. Pour quelle raison nier ce que nous sommes ?

- Vous ne pensez qu’à plaisanter, caqueta une poule d’un ton accusateur.

- Et vous ne faites que des dégâts, s’exclama un mouton.

- Vous vous échappez sans arrêt, ajouta une vache en ruminant.

- Et vous ne créez que des tracas au fermier, répliqua le coq noir que rien n’exaspérait tant que le désordre.

Dissipées, entre cabrioles et sautillements, les chèvres se mirent à bêler de plus belle.

- Vous ne savez pas vous amusez !

- La vie est trop courte pour s’ennuyer !

- Vous n’êtes que des rabat-joie !

- Les règles, c’est pour les moutons !

- À cause de vous, je suis sans cesse puni, aboya le chien avec colère.

Les chèvres s’esclaffèrent si fort que certaine roulèrent sur le dos.

- C’est trop drôle de te semer !

- Et trop facile de te jouer des tours !

Vexé, le chien montra les crocs, hérissa les poils de son échine et partit se coucher dans sa niche.

- Quel manque de respect ! s’offusquèrent les poules en emboitant le pas au coq qui quittait la basse-cour, la crête rouge d’indignation.

Le bélier secoua sa lourde tête et entraîna les brebis au fond du pré, loin de ces rebelles infréquentables.

Le chat, qui s’était assis pour écouter les conversations, bailla et se recoucha en songeant que les chèvres avaient bien raison, même s’il les trouvait bruyantes et insupportables. La liberté n’avait pas de prix et mener sa vie en restant soi-même était une condition indispensable pour être heureux.

Pendant ce temps, ignorant ces esprits chagrins, biquettes et cabris se mirent à jouer à saute-mouton !


Anne, le 11 juillet 2021

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