9-Neuf rennes

Loin au Nord, dans un troupeau de rennes, vivait une joyeuse de bande de trublions. Ils galopaient, sautaient, faisaient des cabrioles à n’en plus finir.

- C’est la jeunesse, dit l’un des anciens avec indulgence. Ils se calmeront en grandissant.

Mais jamais ils ne se calmaient, malgré leurs bois qui poussaient. Ils galopaient, sautaient, faisaient des cabrioles sans se lasser.

- C’est la jeunesse, dit l’une des anciennes avec bienveillance. Ils vont se fatiguer en voyageant.

Mais jamais ils ne se fatiguaient, malgré les longues migrations dans la toundra à la recherche de lichen. Ils galopaient, sautaient, faisaient des cabrioles, tant et tant qu’ils agaçaient leurs aînés.

L’hiver venu, ces curieux, toujours à l’affût d’une trouvaille pour égayer leurs journées, virent passer dans la forêt enneigée un étrange attelage tiré par des chiens. Ils trouvèrent l’idée amusante. Aussitôt dit aussitôt fait, ils partirent en gambadant et suivirent les traces laissées par les patins de la grosse luge.

Ils découvrirent les chiens à la nuit tombée, enroulés dans la neige, dormant à poings fermés non loin d’un feu de camp et d’une tente silencieuse. La discrétion n’étant pas leur fort, les neufs amis arrivèrent en galopant et voltigèrent par-dessus les Huskys.

Mécontents d’être brutalement réveillés après une longue, très longue course, ils grognèrent en montrant les dents.

- Qui ose déranger notre repos ? gronda le chef de la meute.

Les jeunes insouciants l’entourèrent avec entrain, impatient d’entendre ses conseils.

- C’est nous, les rennes de la harde que vous avez croisée ce matin. Nous vous avons vu tirer cette grosse luge et avons trouvé cela fantastique. Nous voulons faire pareil.

- Vous galopez, sautez, faites des cabrioles dans tous les sens. Vous n’êtes pas assez disciplinés pour être attelés. Ce n’est pas pour rien si ce sont les chiens qui sont devenus les experts en attelage de traineaux. Nous sommes les plus habiles, les plus intelligents, les plus endurants, bref les meilleurs.

- Nous allons apprendre. Moi je veux savoir si je suis le plus rapide.

- Et moi, si je suis le plus fort…

- Et moi, si je suis le plus…

- Cela suffit ! aboya le chien. Ce n’est pas une tâche pour des rennes. C’est ainsi. Maintenant laissez-nous nous reposer. Demain nous avons une longue, très longue course de prévue.

La tête basse les jeunes rennes rebroussèrent chemin. Mais il en fallait plus pour les décourager et, aussitôt dit aussitôt fait, ils imaginèrent un plan pour devenir des champions toute catégorie et clouer le bec à ces prétentieux. Seulement voilà, sans traineau à tirer, ni conducteur pour les diriger, la tâche s’avéra impossible. Heureusement, un témoin avait assisté à leurs tentatives acharnées. Dame Hulotte s’envola vers le Pôle Nord et s’en revint un beau matin, accompagnée d’un drôle de bonhomme à longue barbe blanche.

- Bien le bonjour mes jeunes amis. J’ai appris votre formidable projet et je dois dire que cela tombe plutôt bien car je suis à la recherche d’un attelage pour m’aider dans une tâche qui devient chaque année plus ardue.

- Pourquoi ne pas avoir demandés aux chiens ? demandèrent-ils, tout de même un peu perplexe.

- Vous êtes grands, forts, persévérants et plein d’entrain. Il va sans dire que vous allez devoir apprendre deux ou trois choses, toutefois avec un peu de travail et une pincée de magie, vous ferez des merveilles.

Trop heureux de cette occasion inattendue, les neufs rennes acceptèrent de vivre avec lui d’extraordinaires aventures.

Anne, le 09.12.2024