7-La symphonie de Noël

Un matin calme d’hiver, bien installés sur de cotonneux nuages tous moelleux, les angelots entonnèrent comme chaque jour leurs chants, accompagnés de clochettes et de carillons. Les notes cristallines s’élevaient dans les cieux quand soudain des voix criardes couvrirent les douces mélodies.

- Silence là-dessous ! s’écrie Séraphine, scandalisée que ces insupportables lutins les interrompent encore et toujours.

Au lieu du silence, les angelots entendirent les voix de fausset monter en volume.

D’un coup d’aile, Célestin descendit jusqu’au groupe de lutins qui entamait un nouvel air. Ils tapaient des mains, frappaient du pied et secouaient avec entrain grelots et grelotines.

Célestin prit une grande respiration afin de rester le plus aimable possible.

- Vos rengaines dérangent notre chorale. Veuillez, s’il vous plaît, cessez votre vacarme.

Saturnin, qui dirigeait le chœur des lutins, ignora la remarque et encouragea des deux mains les chanteurs enthousiastes qui s’égosillaient à qui mieux mieux.

Célestin se boucha les oreilles et se pencha vers Saturnin.

- Arrêtez donc ce tintamarre ! Ce ne sont que fausses notes et dysharmonies.

Saturnin stoppa les chanteurs et se tourna vers l’angelot.

- Vos chants sont ennuyeux au point d’endormir les rennes du Père Noël. Les nôtres, au contraire, sont joyeux et mettent de bonne humeur.

Les lutins approuvèrent en baillant si grand que l’on voyait leur luette trembloter au fond de leur gorge. Célestin répliqua d’un air pincé.

- Il n’y a rien de plus enchanteurs que nos hymnes, et nos voix divines sont les plus belles jamais entendues.

Les lutins s’esclaffèrent puis reprirent allègrement leur concert sans plus s’occuper de lui. Dépité, Célestin s’envola vers les siens.

- Cette fois c’en est trop ! s’exclama Séraphine qui ne décolérait pas. Je n’en peux plus de leurs braillements. Il faut faire quelque chose pour qu’ils se taisent une fois pour toute.

- Oui mais quoi ? Les lutins se moquent de nous !

Les discussions allaient bon train.

- Allons parler aux Chérubins, proposèrent certains.

- Allons parler au Père Noël, proposèrent d’autres.

Une idée toute bête fusa comme une comète dans la tête de Célestin.

- Et si nous chantions tous ensemble ?

Tout le monde se tut, éberlué par une telle perspective. Un brouhaha indescriptible s’éleva.

- Jamais de la vie !

- Nous ne chantons pas dans la même catégorie !

- Plus personne ne voudra nous écouter !

Célestin prit un peu de hauteur afin d’être entendu de tous.

- Cela ne coûte rien d’essayer. Avec un peu d’effort, je suis certain que le résultat sera incomparable.

- Incomparable, tu l’as dit…

- Insupportable…

- Inécoutable…

- Cessez donc de vous plaindre ! Après tout, ils ont autant que nous le droit de chanter. Ensemble nous créerons quelque chose qui n’a encore jamais été fait, ce sera prodigieux.

Non sans quelques bouderies, les angelots finirent par accepter. Quant aux lutins, les convaincre ne s’avéra pas si difficile car ils étaient toujours partant pour une bonne rigolade. Entre réglages et ajustements, les voix s’accordèrent et les mélodies s’harmonisèrent pour qu’enfin le nouveau chœur entonne ce qui fut, à ce jour, la plus belle symphonie de Noël.

Anne, le 07.12.2024