12-Au marché de Noël

Le péché mignon du Père Noël, c’est de se rendre incognito dans les marchés de Noël pour y grignoter biscômes, biscuits à la cannelle et autres irrésistibles douceurs. À chaque fois, il en profite pour ramener quelques flacons de vin chaud à la Mère Noël, son péché mignon à elle. Toutefois, au fond, mais alors tout au fond de sa conscience, une petite voix lui chuchote qu’il serait plus sage de limiter ses gourmandises.

Il sait bien qu’il devrait manger moins, son pantalon devient chaque année plus serré et son ventre est aussi rond qu’un ballon. D’ailleurs les rennes râlent du poids toujours plus lourd du traineau, mais le Père Noël fait mine de rien et accuse les sacs de cadeaux d’être toujours plus volumineux. La Mère Noël secoue la tête pour le gronder sans pour autant le dénoncer. Elle lui sourit tendrement et il lui répond d’un clin d’œil malicieux.

Un jour qu’il engloutissait sans la moindre culpabilité un énorme pain aux fruits secs et confits farci de pâte d’amande, il avala de travers et se mit à tousser, tousser jusqu’à recracher ce qu’il avait dans la bouche. Il continua pourtant à tousser sans parvenir à s’arrêter. Un petit garçon qui passait par là grimpa sur un muret et se mit à lui tapoter le dos.

- Ça va monsieur ?

- Il a l’air très vieux, il devrait s’assoir, conseilla une fillette qui les observait depuis la roulotte d’un marchand de marrons chauds.

- Oui, oui, elle a raison monsieur. Asseyez-vous sur le mur, le temps de reprendre votre souffle. Il ne faudrait pas qu’il vous arrive un malheur.

- Il est tout rouge, ajouta la fillette en s’approchant d’un pas décidé. On devrait appeler une ambulance avant qu’il tombe dans les pommes.

- Mais non, dit le garçon. Tant qu’il n’est pas tout bleu, c’est bon. Il va déjà mieux. Pas vrai monsieur ? On va l’aider à se relever et il pourra rentrer chez lui. D’accord monsieur ?

Le Père Noël ne savait pas s’il devait être flatté par tant de sollicitude ou vexé que deux marmots le traitent comme un vieux gâteux ramolli. Il posa ses mains sur ses genoux et d’un balancement vigoureux se remit debout, oscilla puis bascula en arrière, se rattrapant de justesse au rebord du petit muret. Les enfants se précipitèrent pour l’aider à retrouver son équilibre.

- C’est bon, c’est bon. J’ai pris trop d’élan, voilà tout, dit-il sur le ton de la plaisanterie. Mon énergie me joue souvent des tours, il suffit juste de doser l’effort. Laissez-moi vous montrer.

Sous les yeux inquiets des enfants prêts à le retenir au moindre vacillement, il réussit cette fois à se redresser sans dommage. À son grand soulagement, car il ne tenait pas à ce que cet embarrassant incident ne tombe dans les oreilles des lutins. Si cela devait arriver, il en entendrait parler jusqu’à la fin des temps.

Il contempla d’un air chagriné sa bedaine qu’il caressa affectueusement. Preuve rebondie qu’il risquait de rouler en bas du traineau lors d’un virage un peu brusque. Avec un soupir à fendre l’âme, il se dit qu’il devrait vraiment diminuer sa consommation de pâtisseries. Oui, vraiment…

Pour récompenser les deux bambins de leur gentillesse, le Père Noël offrit à chacun d’eux un bonhomme en pain d’épice qui serrait dans ses bras un appétissant sucre d’orge rouge et vert.

Et pour la peine, il s’en offrit également un !

Anne, le 12.12.2024